When You Don't Know Where You Are Going

Dimanche matin. Mon grand-père se lève en pleine forme et nous assène sa théorie comme quoi les camps de concentration c'était pas si terrible que ça, après tout. C'est une exagération, dit-il, il faut remettre les choses dans leur contexte.

Il étaye à grand renfort d'arguments sa thèse du complot sioniste: les Juifs contrôlent les media afin de nous manipuler, nous tous. De la même façon que dans le Moyen Age ils contrôlaient la banque et la finance.

J'essaye de l'amener à nuancer ses propos. Je peux difficilement accepter qu'il dise de telles énormités juste comme ça, comme celui qui parle du temps qu'il fait dehors. Il veut pas écouter. C'est lui qui sait, c'est lui la voix de la sagesse, l'historien attitré, l'Expérience incarnée. Mon père a failli s'étrangler.

La journée commence bien.

Il a pourtant raison à propos de la lobotomisation que nous infligent les media. Ce sont eux qui fabriquent la vérité, celle qui est bonne à dire: une combinaison de la propagande officielle et de ce que les gens veulent entendre. Il faut remplir à tout prix le vide métaphysique de la populace, pour leur vendre des idées politiques et des produits commerciaux. Panem et circenses. Rien de nouveau sous le soleil.

Mais ce n'est pas les Juifs qui contôlent les media. C'est juste le pognon. Quand l'argent parle, il n'y a plus de Juif, Arabe, Blanc, Noir, Rouge ou Vert.

Bref.

Je préfère parler à R. Il est plus que ravi de pouvoir parler anglais, dans ce pays d'hispanophones monolingues. Il n'y a pas de gens moins doués pour les langues étrangères que les Espagnols. Avec les Américains et les Français, bien entendu.

Mais au fond ce sont des gens bien, ces Espagnols. La preuve: ils ont inventé la paëlla et la sieste.